Ce 1er
août.
Vers la fin de notre
existence, disait Arthur Schopenhauer, chacun de nos jours nous donne une
sensation du genre de celle que peut éprouver le criminel à chaque pas qui le mène
au gibet…
Mais que de détours pour
en arriver là ! Et quel fabuleux roman d’apprentissage que celui que nous
sommes tous amenés à écrire dès lors
que nous prenons conscience de nous-mêmes, de notre irréductible singularité et
de cette insatiable curiosité qui nous pousse à scruter chaque recoin de la
prison où, sans que nous le sachions encore, un mauvais démiurge se prépare à
nous torturer.
A la demande de
Maupassant, Flaubert lut Schopenhauer à la fin de sa vie. « Ça me va »,
avait-il opiné. Quant à son neveu, il n’était pas dupe de ce besoin d’amour qui
nous jette vers autrui, alors que nous savons bien que tous nos efforts pour
briser notre solitude resteront stériles, nos abandons inutiles, nos confidences
infructueuses, nos étreintes impuissantes, nos caresses vaines. Et pourtant, n’oublions
jamais cette confidence de Nietzsche à sa sœur : « Aujourd’hui
encore, après une heure d’entretien sympathique avec des êtres qui me sont
absolument étrangers, toute ma philosophie chancelle : il me semble
tellement absurde de s’obstiner à avoir raison au prix de l’amour… »
Roland Jaccard / La
Comédie du bonheur / Carnets de l’été 1989